Pierre Soulages, le peintre français « Au-delà du noir », décède à 102 ans

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L’abstrait français Pierre Soulages, décédé à l’âge de 102 ans, était le Henry Ford de la peinture : pour lui, il n’y avait qu’une seule couleur, le noir, et il a passé sa vie à en explorer la lumière.
« J’aime l’autorité du noir, sa sévérité, son évidence, sa radicalité », déclare le grand peintre lui-même toujours vêtu de noir.
« C’est une couleur très active. Elle s’illumine quand on la met à côté d’une couleur sombre », a-t-il déclaré à l’AFP dans une interview en février 2019.
SoulageSon décès a été confirmé mercredi à l’AFP par son ami de longue date Alfred Pacquement, également président du musée Soulages dans le sud de la France.
Les œuvres de l’artiste français le plus vendu ont coûté des sommes à sept chiffres, avec une toile de 1960 à rayures noires épaisses vendue aux enchères au Persienne pour 10,5 millions de dollars en 2019.
Un nom familier dans France mais moins connu internationalement, ses peintures sont exposées dans plus de 110 musées à travers le monde, dont le Guggenheim de New York et la Tate Gallery de Londres, avec des centaines d’autres au musée Soulages dans sa ville natale de Rodez, dans le sud du pays.
Pour son 100e anniversaire en décembre 2019, il a eu droit à une rétrospective au Louvre, un honneur rare pour un artiste vivant.
C’est avec une immense tristesse que je viens d’apprendre le décès de Pierre SOULAGES. Au nom de toutes les Ruthénoises et de tous les Ruthénois, je présente à Madame SOULAGES et à sa famille nos plus sincères condoléances.
Christian Teyssèdre pic.twitter.com/Hu2mmvoGm4
— Ville de Rodez (@VilledeRodez) 26 octobre 2022
Au-delà du noir
Soulages intitule toutes ses pièces « Peinture », ou « Painting » en anglais, les distinguant ensuite par leur taille et leur date de production.
Vers 60 ans, il est passé du noir à la réflexion de la lumière à partir du noir – une technique qu’il a appelée « outrenoir » ou « beyond black » en anglais.
Cela impliquait de gratter, creuser et graver d’épaisses couches de peinture avec du caoutchouc, des cuillères ou de minuscules râteaux pour créer différentes textures qui absorbent ou rejettent la lumière, l’emmenant dans ce qu’il appelait un « pays différent » du noir uni.
Mesurant 1,9 mètre (six pieds 2 pouces), « son langage corporel est souvent décrit dans les mêmes termes que ses peintures : fort, vital, puissant », notait le New York Times en 2014.
Des célébrités hollywoodiennes, dont Alfred Hitchcock, auraient récupéré ses œuvres.
Obsession sombre
Né le 24 décembre 1919, il était même, enfant, obsédé par l’éclat sombre de l’encre.
Avec toutes ses « marques noires sur le papier », sa mère le taquinait en lui disant qu’il « pleurait déjà sa mort », a-t-il déclaré dans l’interview à l’AFP.
Il a montré ses premières œuvres peu après la Seconde Guerre mondiale en 1947.
Alors que ses contemporains et amis, comme Hans Hartung et Francis Picabia, s’adonnent à la couleur, il opte pour le brou de noix utilisé sur les meubles pour créer des œuvres géométriques sur papier ou sur toile.
Pendant un certain temps, il a même essayé des barbouillages de goudron noir sur du verre.
À 33 ans, Soulages expose à la prestigieuse Biennale de Venise en 1954 et tient sa première exposition solo à New York deux ans plus tard.
Le noir n’était pas seulement son obsession, a-t-il dit, se demandant : « Pourquoi les gens de la préhistoire dessinaient-ils en noir à l’intérieur de grottes noires alors qu’ils auraient pu utiliser de la craie ? »
Soulages était aussi connu pour son perfectionnisme : s’il n’était pas satisfait à 100% d’un tableau, « je brûle la toile dehors. Si c’est médiocre, ça s’en va », dit-il à l’AFP.
Il laisse dans le deuil son épouse depuis 80 ans, Colette.
(AFP)