Que faut-il retenir de la COP27 ?


Dans sa décision finale, la COP27 ouvre la perspective d’un élargissement des transferts financiers des pays riches vers les pays moins développés économiquement. Une vraie avancée.

Après d’âpres négociations, les pays réunis à la conférence sur le climat de Charm el-Cheikh (6-18 novembre 2022) sont parvenus à un accord sur la question du financement climatique, via la création d’un fonds “pour les pertes et dommages”.

Dans sa décision finalela COP27 ouvre ainsi la perspective d’un élargissement des transferts financiers des pays riches vers les pays les moins avancés.

En l’absence de tels transferts, il n’y a pas de chemin praticable vers 1,5°C, l’objectif ultime introduit par l’Accord de Paris.

Avec cette question du financement au centre des négociations, la COP27 à Charm el-Cheikh promis un bras de fer entre le Nord et le Sud. Elle n’a pas déjoué les pronostics et l’Afrique, fortement représentée (avec 2,3 fois plus de délégués qu’en 2021), lui a donné de la voix.

Cette polarisation des débats entre pays riches et pays moins avancés ne doit cependant pas faire oublier le rôle crucial des pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, etc.) face au réchauffement climatique. Ce groupe de pays contrôle plus de 60% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

C’est de lui que dépend en premier lieu la diminution de ces émissions.

Graphique montrant les émissions de gaz à effet de serre selon les groupes de pays (moins avancés, émergents, développés)
Dynamique des émissions de gaz à effet de serre selon la situation économique des pays.
Données PBL , Auteur fourni

La finance climatique, un contentieux aux causes multiples

Sous l’impulsion des États-Unis, les pays développés ont promis en 2009 de transférer au moins 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 aux pays en développement pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.

En 2015, la promesse a été inscrite dans l’Accord de Paris. En 2020, le compte n’y était pas (83 milliards selon leOCDE). Et ce ne devrait pas être avant 2023, selon le Plan de livraison du financement climatique.

Une deuxième pomme de discorde concerne l’interprétation de l’article 8 de l’accord de Paris sur l’approche concertée pour “perte et dommage” causé par le réchauffement climatique. Les pays moins développés ou insulaires, lourdement impactés, réclament des transferts au titre de ce qu’ils appellent la « dette climatique » des pays riches, se heurtant jusqu’ici à un front de refus.

Les pays les moins avancés n’ont pas accès aux financements parfois conséquents que certains pays émergents peuvent obtenir pour la conversion de leurs infrastructures énergétiques. L’Afrique du Sud et l’Indonésie, par exemple, ont respectivement obtenu 8,5 et 20 milliards de dollars accélérer la sortie du charbon dans le cadre de partenariats avec les pays développés.

Le contentieux est enfin alimenté par la récente aggravation de la précarité énergétique et de l’insécurité alimentaire dans le monde.

L’année 2022 risque d’être l’année de la première baisse depuis plusieurs décennies du nombre de personnes atteintes accès à l’électricité. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine se conjugue à la récurrence des chocs climatiques pour renchérir le coût des denrées alimentaires de base qui deviennent inaccessibles aux plus pauvres et augmentent dramatiquement la faim dans le mondeeffaçant plusieurs décennies de progrès.

L’élargissement du financement

Durement acquise au cours des deux derniers jours de la conférence, la décision finale de la COP27 élargira la finance climatique de trois manières principales.

Premièrement, la COP27 a entériné le principe d’un mécanisme dédié au financement des pertes et dommages. C’est une victoire, imposée par les pays moins développés et les États insulaires qui ont brisé le front uni des pays riches. Elle a été facilitée par la médiation de l’Union européenne, qui est plus ouverte que les États-Unis sur la question.

Reste à négocier les détails du dispositif, notamment le périmètre des bailleurs (positionnement des pays émergents ?) et les règles d’accès à ces nouveaux financements.

Deuxièmement, les pays se sont mis d’accord pour augmenter les financements climatiques traditionnels, notamment ceux de l’adaptation, en mettant l’accent sur l’agriculture pour faire face à l’insécurité alimentaire. Ce financement supplémentaire devrait permettre de dépasser les 100 milliards promis en 2009.

Troisièmement, les deux mécanismes de l’article 6 sur les marchés du carbone constituent une troisième source de financement. Celle concernant les Etats (article 6.2) peut déjà être utilisée, des pays comme le Japon et la Suisse étant prêts à financer par ce biais des réductions d’émissions dans d’autres pays.

Il faudra attendre 2024 pour que les acteurs privés puissent accéder à ce type de marché (article 6.4), ce qui facilitera la mobilisation des capitaux privés sans lesquels il ne peut y avoir de changement dans l’échelle des financements climatiques internationaux.

D’autres leviers ont été évoqués sans consensus permettant de les inclure dans les décisions de la COP. La plus puissante serait la création d’une ressource dédiée, basée sur la taxation des énergies fossiles, ou mieux encore, celle des émissions de CO2.

Le mauvais débat 1,5°C

L’inscription de l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle a été une victoire pour les pays les moins avancés et les petits États insulaires qui, en 2015 lors de la COP21, en ont fait une condition de leur adhésion à la Accord de Paris.

La couverture du magazine
La couverture du magazine britannique pour l’ouverture de la COP27.
L’économiste,

Paradoxalement, la question des 1,5°C est redevenue un sujet de débat lorsque ces pays ont obtenu une deuxième victoire dans les négociations. Selon certains, 1,5°C serait irréaliste, selon les scientifiques eux-mêmes. Un point à préciser.

Dans tous les scénarios climatiques analysés dans le 6e Rapport du GIEC publié en 2021-2022, on atteint un réchauffement de 1,5°C d’ici une à deux décennies, pour être ensuite légèrement dépassé. Cela ne signifie en aucun cas que l’objectif de 1,5°C est inatteignable. En revanche, cela implique de prolonger les réductions d’émissions une fois la neutralité climatique atteinte, pour passer à un régime d’émissions négatives et ensuite ramener la hausse du thermomètre à 1,5°C.

Ce mauvais débat sur 1,5°C a pollué les discussions sur les actions d’atténuation. Malgré l’annonce de certains pays à Charm el-Cheikh, la COP27 n’a pas apporté de nouvel élan pour accélérer la réduction des émissions.

Amorcer la baisse des émissions mondiales

Si de nouveaux financements sont disponibles, le déploiement de sources d’énergie décarbonées dans les pays moins développés pourra s’accélérer, notamment en Afrique subsaharienne où les investissements dans les énergies renouvelables abandonné il y a deux ans.

Nous serons alors dans le scénario où tous les engagements conditionnels pris par les pays pourront être tenus. Selon le secrétariat général de la COP, cela conduirait à dépasser le pic des émissions au cours de la décennie pour les ramener en 2030 à 3% en dessous de celles de 2019 (alors qu’il faudrait viser -43% dans les pires scénarios) . ambitieux).

Les engagements supplémentaires annoncés lors de la conférence, notamment le passage de l’Union européenne de 55 à 57%, ne changent pas fondamentalement la donne.

La clé de l’accélération de la baisse des émissions mondiales d’ici 2030 est détenue par les pays émergents, qui ont tendance à être oubliés lorsqu’il s’agit de discuter du partage des responsabilités entre le Nord et le Sud. Plus de 60% des émissions mondiales sont maîtrisées par ce groupe de pays, qui ne font plus partie des pays les moins avancés sans avoir rejoint le club des pays riches.

Cependant, ces pays n’ont généralement pas aligné leurs objectifs à moyen terme sur l’objectif de neutralité qu’ils s’étaient fixé pour le long terme. Dès qu’ils le feront, la baisse des émissions mondiales prendra un élan beaucoup plus rapide.

Graphique montrant les objectifs de neutralité de l'UE, de la Chine, des États-Unis, de l'Inde, de l'Indonésie et du Japon
Les trajectoires d’émissions à l’horizon 2030 ne sont pas toujours en ligne avec l’objectif de neutralité.
Auteur, Auteur fourni

Les enjeux de l’action sur le méthane

Pour le premier anniversaire de l’initiative lancée conjointement par les États-Unis et l’Union européenne lors de la COP de Glasgow (2021) pour réduire les émissions de méthane d’au moins 30 % d’ici 2030, les signaux sont mitigés.

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement déploiera un dispositif de détection en temps réel des rejets de méthane, d’identification des sources et de suivi des actions correctives. Centré au départ sur les grandes installations énergétiques, le système doit s’étendre à toutes les émissions, y compris celles issues de l’agriculture. Les États-Unis ont simultanément annoncé un renforcement de leur régulation interne, ce qui va dans le bon sens.

Il est urgent d’agir sur les émissions de méthane. L’Office météorologique mondial alerte sur l’accélération sans précédent de la croissance du stock de méthane dans l’atmosphère en 2020 et 2021.

Cette accélération pourrait provenir d’une rétroaction climatique, avec des températures plus chaudes et humides amplifiant la fermentation anaérobie dans les zones humides et les rizières. Si tel est le cas, le risque est que l’augmentation continue du stock de méthane contrecarre les effets de la baisse des émissions de COXNUMX.2 et retarde la perspective de la neutralité climatique.

Qu’attendre des prochains rendez-vous climat ?

Si la COP27 n’a pas apporté de changements radicaux, elle a levé un obstacle majeur à l’accélération de l’action climatique en désamorçant les querelles qui s’accumulaient autour du financement.

Au cours des deux prochaines années, le premier examen quinquennal de l’Accord de Paris sera effectué. Il s’agit d’une étape décisive pour la construction d’un système de suivi et de reporting encore trop incomplet.

Le prochain rendez-vous en 2024 aux Emirats Arabes Unis, situé à quelques encablures à l’Est de Charm el-Cheikh, sera une excellente occasion d’évaluer le rythme auquel le retrait des énergies fossiles doit s’opérer pour atteindre une trajectoire de 1,5° C Une inconnue majeure à cet horizon concerne l’évolution de la guerre en Ukraine, qui a dopé à court terme les investissements dans l’extraction et le transport de gaz d’origine fossile.

Le rendez-vous de 2025 pourrait être en Amazonie, à l’invitation de Lula, nouvellement élu à la tête du Brésil, qui a affiché l’ambition de zéro déforestation tout en maintenant intact le potentiel de production alimentaire de son pays. . Une telle rencontre permettrait de donner toute sa place à l’agriculture et à la sylviculture et de mieux lier la question climatique à celle de la protection de la biodiversité.La conversation

Chrétien du Perthuisprofesseur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSL

Cet article est republié de La conversation sous licence Creative Commons. Lis learticle original.



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