Simone de Beauvoir parle à la télévision américaine (en anglais) du féminisme, de l’avortement et plus (1976)

La France est connue depuis longtemps pour la place culturelle qu’elle accorde à ses philosophes. Même ainsi, une telle notoriété ne revient pas simplement à tous les philosophes français, et certains ont dû travailler sans relâche pour y parvenir. Prendre Simone de Beauvoirqui annonce le plus puissamment son arrivée sur la scène intellectuelle avec Le deuxième sexe et sa fameuse déclaration « On ne naît pas femme, on le devient ». Ces mots restent bien connus aujourd’hui, 36 ans après la mort de leur auteur, et leurs implications sur la nature de la féminité constituent toujours la base intellectuelle de nombreux observateurs de la condition féminine, en France et ailleurs.
Le deuxième sexe a été publié pour la première fois en anglais en 1953, comme Le deuxième sexe. À ce moment-là, de Beauvoir avait déjà beaucoup voyagé aux États-Unis (et avait même écrit un livre, L’Amérique au jour le jour, à propos de l’expérience), mais son lectorat dans ce pays commençait à peine à augmenter. Féministe déclarée, elle deviendra au cours des décennies suivantes une figure de plus en plus référencée parmi les écrivains et lecteurs américains qui cherchent à s’appliquer également cette étiquette.
L’une de ces féministes était la psychologue Dorothy Tennov, dont on se souvient le mieux pour avoir inventé le terme limérence. Quelques années avant de le faire, elle s’est rendue en France pour mener une interview avec de Beauvoir – et en effet “dans son appartement parisien, à condition que l’équipe de télévision soit entièrement féminine”.
Diffusée sur la chaîne de télévision publique WNED en 1976, cette conversation de grande envergure amène Beauvoir à exposer son point de vue sur une multitude de sujets, de l’avortement à l’homosexualité en passant par le féminisme lui-même. « Que pensez-vous que les femmes ressentent le plus à propos du féminisme ? » demande Tennov. “Ils sont jaloux des femmes qui ne sont pas seulement le genre de servantes et d’esclaves et d’objets – elles sont elles-mêmes”, dit de Beauvoir. «Ils craignent de ressentir une infériorité par rapport aux femmes qui travaillent dehors, qui font ce qu’elles veulent et qui sont libres. Et peut-être ont-ils peur de la liberté qui leur est rendue possible, parce que la liberté est quelque chose de très précieux, mais d’une certaine manière un peu craintive, parce qu’on ne sait pas exactement quoi en faire. Ici, nous voyons une des raisons pour lesquelles l’œuvre de de Beauvoir a perduré : elle a compris que la peur de la liberté de l’homme est aussi celle de la femme.
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