Ibrahim Traoré applique la « déconnexion » de Samir Amin pour repenser la souveraineté burkinabè

Le 22 septembre 2025, African Arguments a publié une analyse de Sumna Sadaqat sur la stratégie politique du capitaine Ibrahim Traoré, présentée comme une tentative de « déconnexion » (delinking). L’article met en lumière un projet mêlant rupture économique, alliance régionale et mobilisation civique inspirée de l’islam, visant à refonder la souveraineté du Burkina Faso.

Un projet de rupture avec l’ordre mondial

L’auteure Sumna Sadaqat explique que la démarche de Traoré s’appuie sur la théorie du delinkingdéconnexion ») développée par l’économiste égypto-français Samir Amin. Cette approche prône l’émancipation économique et politique de l’Afrique face aux dépendances héritées de la colonisation.

Le capitaine Traoré a traduit cette idée dans plusieurs décisions : l’expulsion des troupes françaises, la recherche de nouveaux partenariats avec la Russie et la renégociation des contrats miniers. L’objectif est de reprendre le contrôle des ressources nationales, notamment l’or, et de renforcer la production agricole locale pour réduire la dépendance à l’aide étrangère.

Cette vision s’inscrit dans la dynamique régionale de l’Alliance des États du Sahel (AES), créée avec le Mali et le Niger, pour développer une coopération économique et sécuritaire fondée sur la solidarité régionale.

L’islam comme ciment moral et civique

Au-delà de l’économie, Sumna Sadaqat souligne que Traoré inscrit son projet dans un cadre moral inspiré de l’islam. Ses discours évoquent un « islam réel », défini par la discipline, la solidarité et le devoir de défense de la patrie. Cette référence religieuse, selon l’auteure, sert à légitimer l’action de l’État face aux groupes armés qui utilisent le langage religieux pour délégitimer les institutions nationales.

En présentant le travail, l’agriculture ou la défense territoriale comme des actes de foi, Traoré fait de l’islam un outil de mobilisation citoyenne. Les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) incarnent cette approche où engagement national et devoir moral se confondent. Cependant, cette orientation religieuse peut susciter des réserves dans un pays où coexistent aussi des communautés chrétiennes et animistes.

Vers une redéfinition de la souveraineté africaine

En articulant la pensée de Samir Amin, la coopération régionale et l’éthique islamique, Ibrahim Traoré propose, selon Sumna Sadaqat, une redéfinition de la souveraineté africaine. Il rejette l’idée que la légitimité d’un État se mesure à sa conformité aux modèles occidentaux et cherche à reconnecter la politique à une dimension morale et culturelle propre.

Si cette vision audacieuse soulève de grands espoirs, elle devra faire face aux défis structurels du pays : insécurité persistante, pauvreté et pression économique. Pour autant, le débat ouvert par Traoré dépassse le Burkina Faso : il réinscrit la question fondamentale de la dignité et de l’autonomie des États africains dans le système mondial.

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