Kemi Seba appelle l’opposition à « s’unir » contre le président Patrice Talon

Dans un article publié sur sa page officielle ce mardi 28 octobre 2025, le président de l’ONG Urgences Panafricanistes, Kemi Seba, a réagi à l’exclusion du parti Les Démocrates (LD) de la prochaine élection présidentielle au Bénin.

Il ne considère pas cette disqualification comme un échec, mais comme un moment stratégique pour forcer l’unité de l’opposition et remettre en cause le système politique en place depuis des décennies. Dans son message, il appelle à une coalition large et non violente afin de rouvrir l’espace démocratique au Bénin.

Kemi Seba regarde l’horizon, vêtu d’une tunique rouge, sur un pont en bord de mer.
Crédit photo : Page officielle de Kemi Seba — Publication du 6 mars 2021 sur Facebook, accompagnée de la citation : « Briller dans la plantation ou brûler la plantation, nous avons choisi la seconde option, seule voie à suivre pour reconstruire une société plus juste pour nos populations. ».

Pour Kemi Seba, la censure des LD est un tournant politique majeur. Selon lui, cette décision pourrait servir de déclencheur historique pour fédérer les forces d’opposition :

« La censure des LD pour l’élection présidentielle est, contrairement aux apparences, une opportunité historique pour l’opposition béninoise », a-t-il déclaré.

Il estime que l’heure impose un sursaut collectif : « C’est le moment décisif pour nous tous de nous unir contre le tyran Patrice Talon. »

L’épistémologue de la panafricanité fondamentale précise que chaque parti demeure libre de sa stratégie lors des élections législatives ou communales, mais il met en garde : participer au processus pourrait de nouveau conduire l’opposition dans un piège institutionnel :

« Considérant le code électoral en vigueur, nous pensons qu’ils iront encore à l’abattoir gratuitement, car le but de Talon est de les humilier constamment », a-t-il fait savoir.

Malgré ce constat, il réaffirme néanmoins son engagement aux côtés du peuple : « Nous n’abandonnerons pas le peuple béninois », écrit-il dans un élan profondément patriotique.

Kémi Séba reçu par le Général Abdrahamane Tiani à Niamey.
Crédit photo : Agence Nigérienne de Presse — Niamey, 1er octobre 2023. Entretien entre le chef du CNSP, le Général Abdrahamane Tiani, et l’activiste panafricaniste Kemi Seba.

Pour saisir la portée de cette déclaration, il est important de poser quelques problématiques : Dans quel contexte politique intervient-elle ? Quelle est la situation de l’opposition ? Pourquoi M. Seba estime-t-il que le processus électoral est verrouillé ? Quelle place occupe la question de la corruption dans cette crise politique ? Et, finalement, une opposition fragmentée peut-elle réellement défier Patrice Talon ou son entourage ?

Un pouvoir accusé de verrouiller le jeu démocratique

Depuis 2016, le Bénin est dirigé par Patrice Talon, présenté officiellement comme un réformateur économique. Pourtant, avant son élection, Talon avait quitté le pays pour la France en avril 2012, visé par plusieurs plaintes pour « crimes économiques », comme le rapporte Mondafrique.

Malgré ses promesses de « lutter contre la corruption », son exercice du pouvoir a été marqué par des accusations récurrentes de clientélisme et d’instrumentalisation de la justice. La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), créée sous son mandat, est régulièrement critiquée pour son manque d’indépendance, selon l’analyse du site D+C – Development and Cooperation.

Parallèlement, les scandales de détournements de fonds se multiplient : des proches du pouvoir échappent aux poursuites grâce à des blocages institutionnels, tandis que des responsables de rang inférieur sont condamnés. De vastes fraudes au sein d’organismes publics ont coûté plusieurs milliards de francs CFA à l’État, alimentant une forte perte de confiance de la population dans la sincérité de la lutte anticorruption du régime Talon.

Dans un texte publié en 2018 et relayé par le Comité Culturel pour la Démocratie au Bénin (CCDB), Philippe Noudjenoume — Premier Secrétaire du Parti communiste du Bénin et Président de la Convention Patriotique des Forces de Gauche — estime que Patrice Talon est « disqualifié » pour mener une véritable lutte contre la corruption. Selon lui, l’ascension politique et la fortune de Talon reposeraient sur des pratiques de corruption et d’achat d’influence. Il accuse le régime de s’appuyer sur le clientélisme, les conflits d’intérêts et le contrôle des institutions.

Réunion officielle entre plusieurs dirigeants dans une salle de conférence à la USAID, à Washington.
Crédit photo : USAID — Rencontre entre le président du Bénin et le directeur de l’agence américaine pour le développement international (USAID) à Washington, le 31 janvier 2020. CC0.

Pour Noudjenoume, une lutte anticorruption crédible suppose la transparence, la reconnaissance des pratiques passées et l’instauration d’un contrôle citoyen exercé par les travailleurs et les usagers des services publics. Seule une mobilisation populaire permettrait, selon lui, de mettre fin à l’impunité.

Plusieurs sources rapportent que des proches de Patrice Talon ont été jugés ou condamnés pour corruption ou détournement de fonds publics. En janvier 2025, Olivier Boko, ancien ami du président, et Oswald Homéky, ex-ministre des Sports, ont été condamnés à vingt ans de prison pour « complot contre l’autorité de l’État » et « corruption d’agent public », selon Notícias ao Minuto.

Un pouvoir accusé de réduire l’espace politique

Sur le plan politique, diverses analyses estiment que le Bénin a connu, sous Talon, une restriction significative de la participation de l’opposition.

Le média Al Jazeera rapporte, dans un article publié en 2021, que lors de sa campagne pour un second mandat, Patrice Talon faisait face à une opposition affaiblie, dont les principaux leaders étaient soit écartés, soit contraints à l’exil.
Cette stratégie rappelle, selon plusieurs observateurs, les méthodes utilisées par Paul Biya (Cameroun), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) ou Macky Sall (Sénégal), même si les mécanismes diffèrent.

Pour Freedom House, après son élection en 2016, Patrice Talon a utilisé la justice pour neutraliser ses opposants, modifié les règles électorales et renforcé la répression, ce qui a consolidé son pouvoir en 2021. Depuis, le Bénin glisse vers l’autoritarisme : exclusion de l’opposition, répression de manifestations et fermeture de médias critiques.

Lors de la présidentielle du 11 avril 2021, les réformes électorales ont instauré un système de parrainage, ce qui a exclu les principaux opposants, rappelle Monitor Civicus. Selon cette source, seuls trois candidats ont été autorisés :
Patrice Talon,
Alassane Soumanou,
Corentin Kohoué.

Les deux derniers sont quasiment inconnus du grand public.

Patrice Talon et Emmanuel Macron lors d’une rencontre officielle à Cotonou.
Crédit photo : Présidence du Bénin — Cotonou, entretien bilatéral entre les présidents béninois et français.

Coalition nationale : la stratégie proposée

Face à ce contexte, Kemi Seba appelle à une coalition nationale, dépassant les appareils partisans :

« Contre ce régime, unissons-nous tous : la coalition des panafricanistes béninois, les communistes du Bénin, la résistance nationale, les démocrates (LD), les exilés politiques, les syndicalistes, les sojaculteurs, les agriculteurs, les instituteurs — le tout de manière non violente. »

Le militant panafricaniste a déclaré que, au moment opportun, il leur appartiendra de lancer la vague qui déstabilisera ce régime corrompu, lequel a décidé, une nouvelle fois, d’exclure l’opposition des élections présidentielles, et qu’ils disposent d’un délai jusqu’à avril 2026 pour le faire vaciller.

Il rappelle que ceux qui répriment aujourd’hui les contestations ont eux-mêmes utilisé la rue comme outil politique lorsqu’ils étaient opposants :

« Orden Alladatin, Rock David Gnahoui et Joseph Djogbenou, lorsqu’ils étaient opposants, se sont autorisés, pour combattre le gouvernement Yayi, à lancer, via leur structure Alternative Citoyenne, le mouvement « Mercredi rouge », qui avait été financé par Patrice Talon […]. »

En rappelant que ceux qui gouvernent aujourd’hui ont eux-mêmes utilisé la contestation citoyenne lorsqu’ils étaient opposants, Kemi Seba cherche à légitimer l’action populaire. Pour lui, seule l’unité des forces citoyennes peut restaurer la souveraineté du Bénin et mettre fin à la domination d’une élite perçue comme prédatrice.

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