Les autorités ivoiriennes ont interdit pour deux mois toutes les manifestations et meetings politiques, à l’approche de la présidentielle du 25 octobre 2025, dans un contexte de tension et de troubles sporadiques à Abidjan, Bouaké et Daloa.
Cette décision intervient après plusieurs mobilisations de l’opposition qui ont dégénéré en affrontements avec les forces de sécurité.
Suivant un arrêté interministériel daté du 17 octobre 2025, les ministres de la Défense, Téné Birahima Ouattara, et de l’Intérieur, Vagondo Diomandé, ont déclaré : « Pendant une période de deux (2) mois à compter de la date de signature du présent arrêté, les meetings et manifestations publiques à caractère politique sont interdits sur toute l’étendue du territoire national. »
Cette mesure, présentée comme visant à préserver la paix, la sécurité publique et l’ordre national, s’appliquera sur l’ensemble du territoire ivoirien jusqu’à la fin du mois de décembre 2025. Elle fait suite aux heurts récents à Abidjan et dans plusieurs villes, ayant conduit à plus de 700 arrestations et une cinquantaine de condamnations.
Le ministre de la Justice justifie la mesure par le caractère subversif de certains rassemblements, tandis que l’opposition du PDCI dénonce une volonté de « bâillonner » la société civile, a rapporté RFI, le 18 octobre 2025.
À l’approche de la présidentielle, le PPA-CI dénonce une dérive autoritaire
Deux jours avant cette interdiction, le 15 octobre 2025, le Conseil stratégique et politique du PPA-CI, présidé par Laurent Gbagbo, a publié un communiqué fustigeant la dérive autoritaire du régime du président Alassane Ouattara et la répression des manifestations organisées le 11 octobre par le Front commun PPA-CI / PDCI-RDA. Réuni à Abidjan, le parti a dénoncé la volonté du pouvoir de verrouiller l’espace politique et de briguer un quatrième mandat jugé anticonstitutionnel.
Le communiqué du PPA-CI dresse un bilan humain lourd :
– deux morts, dont un enfant et un jeune manifestant ;
– une trentaine de blessés ;
– plus de 700 interpellations, dont 65 personnes placées en détention.
Le parti accuse le pouvoir d’user de la terreur d’État pour museler la contestation et appelle à la mobilisation démocratique et à la résistance pacifique. Laurent Gbagbo a annoncé une prochaine adresse à la Nation, destinée à appeler à l’unité et à la vigilance face aux tensions préélectorales.
Libertés publiques et inquiétudes internationales
Cette interdiction des manifestations, valable jusqu’à la fin du mois de décembre 2025, suscite de vives critiques. Le 16 octobre 2025, Amnesty International avait déjà dénoncé la répression des rassemblements pacifiques à Abidjan, dans un climat particulièrement tendu à l’approche de la présidentielle du 25 octobre 2025.
L’organisation a rappelé que la liberté de réunion pacifique constitue un droit fondamental, et non un privilège, protégé par la Charte africaine des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, tous deux ratifiés par la Côte d’Ivoire.
Dans sa déclaration, Marceau Sivieude, directeur régional d’Amnesty pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a estimé que les interdictions générales de manifestations imposées par les autorités sont disproportionnées et contraires aux engagements internationaux du pays. Il a appelé le gouvernement à respecter et faciliter les rassemblements pacifiques, à garantir le respect des droits humains, et à privilégier une approche fondée sur la désescalade et le dialogue démocratique.
Le ministère de la Défense évoque des « risques d’infiltration d’individus malintentionnés » pour justifier cette mesure. Mais pour de nombreux observateurs, l’interdiction fragilise le jeu démocratique et accentue les tensions. Dans un contexte de méfiance politique et de libertés restreintes, la prochaine prise de parole de Laurent Gbagbo pourrait influencer le climat à la veille du scrutin présidentiel.
Interdiction temporaire des meetings et manifestations politiques — Arrêté du 17 octobre 2025

